Liao Tianding, la divinisation d’un personnage historique



La divinisation de héros se pratique encore de nos jours dans la culture chinoise. Un temple près de la côte nord de Taipei dédié à Liao Tianding est bâti sur son tombeau. C’est un héros taïwanais qui, outre ce culte, a engendré toute une série de récits, de pièces, de films, tous en dialecte taïwanais. Il y est présenté comme une sorte de Robin des Bois qui volait les riches pour donner aux pauvres et qui était un résistant à l’occupant japonais. Mais la biographie que l’on distribue dans son temple passe sous silence ces exploits et constitue avant tout un plaidoyer pour son assassin, sans doute parce que la famille de celui-ci habite encore la région.

Liao Tianding est né dans un village près de Taizhong en 1883. Quand il n’avait que neuf ans, son père mourut et sa mère dut l’envoyer garder le bétail et travailler tandis qu’elle-même devenait servante. Alors qu’il était enfant, éclata la guerre sino-japonaise ; elle se termina par un traité de paix qui cédait Formose (autre nom de Taiwan) au Japon. Les soldats chinois qui se trouvaient sur l’île durent donc se recaser dans toute sorte de métiers. Le jeune Liao Tianding reçut d’eux une éducation dans les arts martiaux en dehors de son travail ; il s’y entraîna avec ardeur ; et par ses contacts fréquents avec ces anciens soldats, il absorba tout un état d’esprit.

Après sept ans d’occupation, alors que Liao Tianding avait neuf ans, les Japonais adoptèrent une politique d’emprise sur l’île beaucoup plus profonde ; ils imposèrent leur politique par l’intermédiaire de Chinois à qui ils conférèrent des titres comme celui de chef de village et ceux-ci, qui faisaient le pont entre les occupants et les habitants, exploitèrent souvent la situation à leur profit. C’est ainsi qu’un de ces chefs de village qui terrorisait l’endroit où habitait Liao Tianding, imagina un plan puisqu’il refusait de se laisser intimider : il occupa ses champs pour le provoquer. Liao Tianding tomba dans le piège, alla chez lui pour discuter, et tandis que le chef du village faisait semblant de vouloir parvenir à un arrangement, le fils, sur ordre du père, vint faire des reproches à Liao Tianding, qui du coup s’emporta contre le jeune homme et le blessa grièvement. Après quoi le chef du village le dénonça aux autorités japonaises comme fauteur de troubles. Liao Tianding réussit à échapper aux poursuites, mais sa mère fut tellement harassée pour qu’elle avoue où il se cachait qu’elle mourut, ce qui provoqua un choc terrible pour Liao Tianding.   

Comme les recherches continuaient, celui-ci partit dans le Nord gagner sa vie, et allait de place en place sans travail fixe. Il exprimait ainsi publiquement sa haine pour les Japonais et les collaborateurs, et suscitait ainsi l’émotion parmi tous les gens qu’il rencontrait. Les Japonais voulurent donc l’arrêter, mais il réussit toujours à fuir. Toutefois ses déplacements s’en trouvèrent fort entravés et il dut se cacher chez des amis. A cette époque, s’étaient déjà formées plusieurs organisations clandestines pour résister au Japon, mais Liao Tianding, étant d’un milieu pauvre et n’ayant pas de contact avec des gens riches, ne put s’infiltrer dans ces organisations. Aussi décida t-il de former la sienne avec des amis qu’il réussit à recruter malgré le manque de fonds et d’aide extérieure. Son argument était qu’il fallait dépouiller les riches qui collaboraient, s’enrichissaient sur le dos du peuple et ne reconnaissaient que la force. C’est ce qu’il fit avec ses compagnons, si bien qu’il devint la tête de liste des gens recherchés. Grâce à sa vigilance et à son habilité à se dissimuler, ce qui faisait partie de l’entraînement aux arts martiaux, il put esquiver les recherches. Connaissant toutes les écoles d’arts martiaux, il pouvait toujours dérouter l’adversaire en lui opposant une technique qu’il ignorait ; et il était capable d’imiter toutes sortes de personnages.

Liao Tianding se réfugia près de Taipei à Balixiang, où habitait un de ses compagnons, Yang Lin, derrière chez qui il y avait une Grotte aux singes, cachette idéale. C’était une région encore sauvage à l’époque, face à la mer ; et Yang Lin devait s’occuper de le faire partir au Fujian. Ayant perdu sa trace, les Japonais le cherchaient activement, surtout qu’ils s’apercevaient que s’organisait une résistance dans ce district. Un jour que Yang Lin allait apporter de la nourriture à Liao Tianding, se croyant seul dans la campagne, il fut remarqué par les Japonais. Heureusement il put être assez vigilant pour atteindre la cachette de Liao Tianding à l’insu de ceux qui le filaient, mais dès lors il devint l’objet de soupçons et de pressions pour révéler la cachette. Très inquiet, il voulu persuader Liao Tianding de changer de lieu, mais celui-ci refusa, disant qu’il n’y avait rien à craindre. Les Japonais fouillèrent la montagne, mais Liao Tianding put rejoindre la plaine et se cacher sous un pont. Furieux les Japonais se tournèrent vers Yang Lin et menacèrent de tuer toute sa famille. Yang Lin crut que si Liao Tianding disparaissait, les Japonais relâcheraient leur pression sur les autres et qu’il serait de toute façon pris un jour ou l’autre et que, alors, sous la torture, il donnerait le nom de ses amis. Aussi décida t-il de sacrifier Liao Tianding pour sauver les autres membres du groupe et sa propre famille. Le sachant très fort, il retardait son intervention, mais un jour qu’il lui apportait de la nourriture, le voyant endormi dans la grotte, il le tua en le frappant sur la tête avec une houe ; Liao Tianding avait alors vingt-sept ans. Les Japonais donnèrent d’abord une récompense à Yang Lin, puis le mirent en prison pour meurtre et lui firent subir toutes sortes d’humiliations.

A la mort de Lia Tianding, il se passa des phénomènes étranges : quand les Japonais descendirent son corps de la montagne, des gouttes de sang tombèrent le long du chemin et pendant très longtemps il en sortait une lumière comme celle des lucioles quand le ciel était couvert et quand la pluie était sur le point de tomber. Quand il faisait très sec, la nuit, sortait souvent de la grotte comme une boule de lumière verte qui dévalait la montagne et faisait plusieurs fois le tour de la résidence du commandant japonais du district avant de s’élancer de nouveau et de disparaître. La femme et la fille de ce commandant se mirent à tenir des discours irrationnels, à dire des paroles insensées, à avoir une conduite bizarre, et aucun médecin n’y pouvait rien. Les gens de la région dirent qu’il fallait apaiser l’âme de Liao Tianding. Le commandant refusa d’abord d’obéir à ce qu’il qualifia de superstitions. Puis fort inquiet lui-même au bout d’un certain temps, il fit un vœu devant le tombeau de Liao Tianding. Dès qu’il fit le vœu, les deux femmes furent guéries sans médicament. Le commandant obéit alors à son vœu et fit dresser une stèle sur le tombeau et y offrit des fleurs.

Liao Tianding avait été enterré à la hâte dans ses vêtements ensanglantés et ses amis n’avaient pas osés se manifester par peur de la police. Mais à cause des phénomènes surnaturels qui se produisirent aux alentours du tombeau, une grande foule vint peu à peu prier, de sorte que les autorités japonaises s’alarmèrent, y voyant la manifestation du nationalisme persistant. Le chef japonais local, par crainte de ses supérieurs, fit enlever de nuit la stèle qu’il avait fait ériger ; mais quand la surveillance se calma, les amis de Liao Tianding replacèrent la stèle. Après la guerre, on enterra de nouveau Liao Tianding et on éleva un temple, et ceci eut beau se produire quarante ans après sa mort, on s’aperçut que son cadavre n’était pas décomposé, preuve s’il en fallait qu’il était bien bien devenu un esprit céleste dont on pouvait implorer aide et protection.

L’étoile de la Littérature


L’Etoile de la littérature (Kui Xing) était jadis la première constellation des sept maisons de l’ouest, correspondant aux neufs étoiles de la Vierge et aux sept des Poissons, et s’écrivait avec un caractère différent, mais ayant la même prononciation. Depuis le Xe siècle, sans qu’on puisse préciser quand, on considère qu’elle est soit la première étoile du Boisseau du Nord, soit ses quatre premières étoiles. Elle est représentée sous les traits d’un personnage au visage bleu, aux cheveux rouges, aux canines proéminentes, aux yeux qui ressortent, un pied levé à l’arrière, l’autre appuyé sur une tortue marine qui soutient le monde. Il tient d’une main un pinceau pour marquer les écrits remarquables et de l’autre un boisseau puisque cette étoile fait partie du Boisseau du Nord et que le caractère signifiant boisseau entre dans la composition de celui qui est utilisé pour son nom.

Cette étoile-divinité accorde la réussite aux examens. Au XIXe siècle, un homme devant beaucoup d’argent au patron d’une boutique qui venait souvent le lui réclamer en tomba malade. Son fils lui suggéra une façon de s’en sortir et alla trouver un acteur. Quand le patron vint une nouvelle fois demander son dû, il vit son débiteur alité et entendit le fils dans une chambre voisine réciter ses leçons à haute voix. Le malade lui dit d’aller trouver son fils qui était aller chercher de l’argent pour le rembourser. Quand le patron entra dans la chambre du fils, il le vit de dos en train d’étudier à sa table tandis que l’Etoile de la littérature en personne se tenait debout immobile à ses côtés. Abasourdi, il revint voir le père, lui dit que son fils était protégé par l’Etoile de la littérature et donc appelé à une brillante carrière, et qu’il voulait non seulement annuler la dette, mais même prêter de l’argent pour que le jeune homme poursuive ses études. De fait celui-ci devint un haut fonctionnaire ; mais l’Etoile de la littérature n’était qu’un acteur déguisé que le fils avait  engagé puisque ce personnage divin apparaissait sur scène dans les ballets d’introduction avant l’opéra proprement dit.